Jerphanion, qui sent cette indulgence n'en est que plus agacé. Comme s'il y avait quelque chose de plus difficile au monde que le concours d'entrée à l'École! Et n'est-ce pas faire tort à Normale, dont le tamis sans pareil extrait de l'élite même une poignée, que de la comparer à Polytechnique, ou l'on est bien forcé de croire qu'il se glisse, dans le tas, pas mal de tout venant? (Normale-sciences, il est vrai, gâche un peu ce tableau flatteur. Trop de candidats préparent les deux concours, et, reçus aux deux, optent pour Polytechnique. Il faut avouer aussi que le scientifique de l'École, avec sa blouse crasseuse, sa tignasse, sa trogne de potard mal embouché laisse la part belle aux jeunes messieurs à bicorne. Puisse la jolie fille n'avoir pas l'occasion de s'en convaincre!) Jerphanion n'est pas loin de regretter qu'il n'y ait pas un uniforme de l'École. Est-ce qu'il n'en a pas existe un, jadis?... Hélas!... on ose à peine se l'imaginer. Ça devait être du propre! Un semis de violettes, ou de graines d'épinard, sur un habit d'huissier jeunet. Quelque chose qui devait évoquer l'Académicien gamin, l'Enfant de troupe de l'Institut. De quoi faire tordre deux longues rangées de modistes. Quoi qu'il en soit, la publicité de l'École est insuffisante. On en est réduit, pour n'être pas complètement méconnu des modistes, à se réclamer de la Sorbonne. Humiliation encore plus pénible que l'autre, puisqu'elle joue à l'intérieur de la famille.
Jules Romains, Les hommes de bonne volonté, livre 4, chapitre 18.